mardi 5 juillet 2011

La révolution des Fourmis



3 mois de grève. 3 mois de contestation et de slogans. 3 mois de bleus, de plâtres et d'écharpes. A l'arrivée à quoi espérons nous pouvoir aspirer ?
Un peu plus de bleus peut être ? Un peu moins d'ecchymoses par contre ?
Beaucoup de sacrifices ont été fait sur l'autel de la révolution. Énormément de motivation a été tirée de ces sacrifices. Cependant, très peu de lucidité a frappé les esprits machiavéliques de nos geôliers.

Au départ, nous avions entamé notre mouvement avec l'envie de dire non à une habitude, à une routine, à un conditionnement transmis de génération en génération, à un patrimoine aberrant bien conservé.
Notre révolution -car c'en est une- avait au départ la prétention d'amorcer la refonte d'un système agonisant dont nous faisons partie intégrante tout en le subissant. Tel un totem qui nous effrayait, nous l'avons respecté trop longtemps avant d'oser lui dire non.

Un système qui aurait dû être réformé il y a de cela quelque décennies au lieu d'être poussé jusqu'à ses derniers retranchements grâce à l'oisiveté et à la malhonnêteté intellectuelles légendaires des professionnels de l'architecture gouvernementale désarticulée.

Cependant, à l'arrivée, l'idéal est à redéfinir. Vivant dans un monde bien matériel et étant loin d'être une bande d'ectoplasmes nourris à grands renfort de pensées et d'idéaux bons ou mauvais, la dure réalité de notre existence vient souvent refroidir les meilleures intentions.

Loin des manifestations, loin des slogans de la foule -une foule d'intellectuels mais une foule tout de même qui garde tous ses attributs-, loin des pressions de la pensée unique, l'enthousiasme retombe bien vite et la dure réalité aussi aberrante soit-elle vient chasser les reliquats d'espoir chancelant d'une humanité altruiste.

La bonté a ses limites, la méchanceté n'en a malheureusement que très rarement.

A l'abri des regards, à l'abri des jugements, à l'abri des tentacules de la police de la pensée, le coté mercantile reprend vivement le dessus et rapidement nous sommes prêts à sacrifier nos idéaux et à nous livrer pieds et mains liés en offrande au géant propagandiste de la santé altérée.

Car après tout, pourquoi s'acharner à vouloir sauver les ruines d'un système dont les premiers bénéficiaires ne serons pas nous-mêmes mais cette tranche de population transformée en populace haineuse?

Changer la face de nos hôpitaux nous donnera plus de motivation, moins de désespoir à sauver nos malades, mais octroiera une meilleure santé à nos concitoyens aussi assommés soient-ils à grands coups de flashs info abrutissant à souhaits. D'un point de vue pragmatique et purement matériel nous n'y trouvons pas notre compte au final.

Pourquoi alors s'entêter à poursuivre dans une voie que nous voyons occluse par l'aveuglement de nos détracteurs? Pourquoi accepter tant de sacrifices alors qu'au bout du compte le service civil n'est qu'une partie de notre chemin alors qu'il représente bien trop souvent l'achèvement d'une vie pour nos patients ?

"Pour un monde meilleur ! Pour la paix dans le monde !" Devrions-nous écrier avec des trémolos dans la voix ?

Si ceci est réellement le cas, pourquoi sommes-nous livrés à la vindicte populaire tous les jours que le bon Dieu fait ? Pourquoi relevons-nous dans la gestuelle de nos patients une note d'aigreur et de mépris ? Ne comprennent-ils donc pas que c'est pour un meilleur bien-être que nous risquons nos postes de résidents durement arrachés ?

Arrêtons tout, plions bagage, sortons nos mouchoirs blancs et contentons-nous de récolter les fruits pécuniaires de nos efforts et laissons ce peuple ingrat aux affres de la mal-gestion sanitaire récalcitrante. Il n'a que ce qu'il mérite au bout du compte !

Entamons la révolution de notre révolution révolue. Scandons à la barbe de la classe bien pensante que notre altruisme évanescent s'est évaporé en même temps que la clairvoyance de nos con-citoyens.
Au diable les malades ! Au diable les hôpitaux ! Au diable la petite vieille de Béchar ! Au diable l'éthique !

Vous nous avez confondus à la couleur de nos blouses avec des pélicans blancs ! Vous nous avez pris pour des crétins qui tendent la joue gauche lorsque la droite est souffletée !

Oui mais...

Nous avons eu la chance au moment de notre choix de carrière d'inscrire un joli 700 sur nos fiches de vœux. Que ce soit par passion,conviction ou raison nous avons eu la chance de choisir cette carrière-là. Chance (et arrêtez-moi ces grimaces-là vous au fond !) car, que nous en ayons eu conscience ou pas, notre personnalité a été reforgé avec un potentiel peut être meilleur que ce que nous aurions pu avoir à escompter si nous avions pris une direction différente.

La pratique au quotidien de la médecine nous a appris à encaisser les mouvements d'humeur de nos patients et de leurs familles ainsi qu'à nous élever au-dessus de nos susceptibilités personnelles. Au fil du temps cependant, ces belles leçons ont fini par être usées en même temps que nos nerfs. Mais nos ainés sont là pour nous rappeler qu'il est primordial de faire l'effort de résister, de se cramponner à nos idéaux, et de ne pas accepter de compromettre avec le diable.

C'est pour tout cela que nous ne devrions pas renoncer maintenant. C'est pour tout cela que nous devrions nous ranger du côté du chêne et laisser le moins de rosiers possibles ensanglanter notre fougue de jeunes médecins.

Aussi les divergences d'opinion et notre éternelle immaturité en tant qu'humains à conjuguer "opinion" au pluriel a fait naitre méfiance, haine et micro-divisions au sein de nos rangs. Mais je tenais à rappeler que nous sommes Un tout et qu'au débat devraient laisser place querelles.

Je ne sais plus quel ancien philosophe irlandais avait dit : Quand nous débattons vous et moi, chacun de nous deux devient l'autre. Car lorsque je comprends ce que vous comprenez, je deviens votre compréhension et je suis vous d'une certaine ineffable façon.

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